— INTERVIEW
Les Jardins de la Croix Rouge : pour un vrai circuit court, utile et solidaire
Les Jardins de la Croix Rouge accompagnent des salariés en réinsertion professionnelle depuis 1998 et militent pour un maraîchage bio, en circuit court et solidaire. Depuis 3 ans, la Coop’ Singulière participe à l’activité des parcelles de Valros et Montagnac en tant que cliente. Mais le contexte sanitaire et les récentes gelées ont mis un coup dur à la production. Jean-Rémi Barluet, coordinateur technique et pédagogique de Croix Rouge Insertion Capdife, ne lâche rien, pour l’amour des légumes et de l’humain.
Présentez-nous Les Jardins de la Croix Rouge en quelques mots.
Les Jardins de la Croix Rouge font partie des chantiers Croix Rouge Insertion Capdife. C’est un chantier d’insertion par l’activité économique. C’est-à-dire qu’on accompagne des publics dits « en transition » vers un retour à l’emploi durable. Les chantiers existent depuis 1998 et ont été repris par la filiale « Croix Rouge insertion » en 2012. Sur le département de l’Hérault on porte 4 chantiers d’agro-maraîchage en agriculture bio à Paulhan, Montagnan, Valros et Béziers, un chantier environnement et espaces verts à Béziers, et un chantier avec la criée du Grau d’Agde (transformation poisson à destination des collectivités). On est 12 permanents (directeur, secrétaire, encadrants techniques…).
Qu’est-ce que vous produisez et où distribuez-vous ?
Les terrains sont très différents mais on produit essentiellement des légumes toute l’année.
On exploite 1 hectare à Paulhan, 1 hectare à Montagnac, 5 hectares à Valros et 2 hectares à Béziers, et on a 4000 m2 de serres. On a à peu près tous les types de légumes par saison mais on a aussi relancé certaines cultures un peu moins courantes comme la patate douce, ou encore le fenouil.
En 2020, sur 3 hectares et demi de maraîchage on a produit 44 tonnes de fruits et légumes.
Les légumes que l’on produit sont ensuite vendus de deux façons : soit sous forme de paniers en direct (tous les jeudis sur les jardins), soit sous forme de semi-gros pour des magasins, des revendeurs ou encore la restauration (Biocoop, Bio de Cocagne, Les Glénans à Marseillan…). On ne fait pas les marchés. Depuis le covid on a perdu un peu de clientèle dans le secteur de Montpellier, donc on s’est recentrés vers le coeur et l’ouest de l’Hérault (Lodève, Agde, Sète et Béziers).
Quelles sont vos valeurs ?
Le circuit court, les liens sociaux et la solidarité. Nos jardins sont tous éco certifiés et notre zone de livraison est assez resserrée en raison du coût financier et de l’impact environnemental des trajets en camion. Les magasins qui achètent chez nous sont tous dans un périmètre de 30 km à vol d’oiseau. Ce qui permet d’effectuer plusieurs livraisons par semaine et de toujours proposer des produits ultra frais, ramassés le matin et livrés avant midi.
Pendant le covid on a travaillé avec la grande distribution mais rapidement s’est aperçu qu’on ne rentrait pas dans les cases au niveau du calibrage.
Comment ça marche concrètement un jardin d’insertion ?
C’est une expérience sociale et solidaire pour favoriser le retour à l’emploi de personnes en grande difficulté. Les jardins ce sont en fait des supports pédagogiques pour accompagner les publics que nous accueillons. On les encadre de 4 mois à 2 ans, selon les contrats. Ils deviennent salariés du chantier et ils mettent en place un projet de réinsertion professionnelle. Tout au long de leur parcours, ils sont reçus une fois par semaine par les encadrants techniques et pédagogiques pour faire le point sur leur projet. Chaque année, on accompagne 120 salariés. Par jardin on a entre 16 et 20 salariés et 1 encadrant technique.
Les salariés des jardins ont donc une double casquette : maraîcher et encadrant pédagogique ?
Tout à fait ! C’est le propre de ce métier. Les profils des encadrants sont assez différents, tout comme nos chantiers. Sur les jardins par exemple, tout le monde ne fait pas de maraîchage. On a aussi un peu de viticulture, d’arboriculture, et les métiers liés à la vente, la distribution…
Comment avez-vous été amené à collaborer avec la Coop Singulière ?
La démarche de la Coop nous a plu : on soutient le prix aux maraîchers locaux avec des achats en gros et on ne marge pas à la sortie du panier. Ça c’est du vrai circuit court ! C’est avec la Coop’ qu’on a commencé à initier des collaborations de ce type en 2019. Et puis on n’avait pas de point de vente à Sète, ça tombait bien.
Ce qui nous plaît, c’est que le client est libre de prendre ce qu’il veut, contrairement à une amap. Nous savons aussi que la Coop avait d’autres fournisseurs, et donc qu’il n’y a pas trop de pression : on met à disposition ce qu’on a et les prix ne sont pas renégociés. Tout le monde est content !
Je suis très attentif à comment les clients se comportent avec nous. Je soutiens totalement la démarche de la Coop parce qu’elle représente tout à fait le type de clients qu’on aime. C’est une relation de confiance, humaine et dans laquelle chacun fait des efforts. Elle est consciente que les maraîchers ne peuvent pas tout faire. Par exemple, si un samedi on a des choux énormes, on les coupe en 2, ou alors si on n’a pas réussi à produire un légume dans les quantités demandées, on sait que ça ne va pas poser problème.
Ce qui nous intéresse aussi c’est le côté solidaire de la Coop’. Quand on livre du surplus, la Coop’Singulière l’utilise pour la maraude.
Il devrait y avoir des initiatives de ce type dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants !
Et vous arrivez à vivre du maraîchage ? Quels sont les projets d’avenir des Jardins de la Croix Rouge ?
On ne vit pas du maraîchage mais il faut que le maraîchage vive ! Notre métier c’est accompagner des personnes vers des métiers durables, mais nous avons besoin de ces supports pédagogiques. La crise sanitaire nous a fait perdre des clients dans le secteur de Montpellier, nous avons du nous adapter… Et les dernières gelées a détruit une bonne partie de nos récoltes à venir. C’est dur mais on s’accroche ! On est loin de nos objectifs financiers mais on fait tout pour que le maraîchage s’autosuffise pour payer les charges. Ce qui est dingue en fait c’est dans ce secteur, il y a encore de la place. Seulement 8% du bio est produit en France !
On voudrait finir d’ouvrir les jardins d’ici 2022 et avoir 7 hectares en production maraîchère. À Valros, par exemple, le terrain n’est pas encore exploité entièrement. On travaille aussi à l’amélioration de nos outils de travail et à développer localement un circuit court de qualité. En créant une plate-forme avec une logistique alimentaire dédiée qui permette de répondre à des marchés comme les cantines scolaires et à destination d’autres producteurs.
Interview réalisée par Margot Geoffroy
![Lire la suite à propos de l’article [Focus Coopér’acteur] Le vrac comme un acte citoyen](https://coopsinguliere.fr/wp-content/uploads/2021/05/vrac-coop-singuliere-768x683.jpg)
